Magnifier les espaces par la lumière : rencontre avec Hervé Audibert, concepteur lumière

Rencontre
13 Sep 2023

Dans le cadre de sa collaboration avec Myah | Patriarche sur le projet de réhabilitation du bâtiment V de l’UNESCO à Paris, Hervé Audibert (Atelier H. Audibert) a bien voulu répondre à quelques questions pour nous présenter son métier de concepteur lumière et revenir sur son travail avec l'équipe.

Magnifier les espaces par la lumière : rencontre avec Hervé Audibert, concepteur lumière
Rencontre

Pouvez-vous nous parler de votre travail en conception lumière avec Myah | Patriarche sur le bâtiment V de l’UNESCO ?

" Marion Barray (architecte et cheffe de projet, agence de Paris) Aurore Assimon et moi nous sommes inspirés de Jean Prouvé qui est intervenu en tant que designer sur l’ensemble du bâtiment. Dans tous les espaces de bureaux on a imaginé des sources lumineuses rondes qui sont par séries de trois avec une collerette qui vient cerner ces séries de luminaires et qui rappelle l’esthétique de Jean Prouvé mais qui en est une interprétation et non une copie. On est dans l’évocation et dans la paternité rendue à Jean Prouvé.

Pour l’accueil qui est fait d’un plafond métallique très dessiné et très beau, on s’est débrouillé pour faire disparaître certaines sources sur des replis métalliques qui vont nous permettre de mettre des sources filantes pour mettre en valeur le plafond. Il y a des réservations dans ce plafond qui recevaient des sources de lumière qui aujourd’hui sont caduques donc on remplace en conservant les mêmes réservations.

Ensuite, au rez-de-chaussée, il y a toute une série de piliers en béton avec un coffrage de grande beauté. Chaque pilier a été coffré de manière extrêmement précise, artistique, donc on met en valeur ces piliers, qui ne l’étaient pas auparavant. Mettre un accent lumineux dessus nous a semblé intéressant parce qu’ils sont vraiment très beaux. "

La conception lumière est un métier encore peu connu du public. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

" Il y a plusieurs façons d’envisager ce métier. Pour ma part, je suis issu de l’univers du spectacle : j’ai fait des lumières de spectacle pendant trente ans avant de me tourner vers la lumière architecturale. Autrement dit, j’ai appris à faire de la lumière de manière poétique. Au théâtre, on avait un fil rouge qui était le texte et chacun des intervenants (acteurs, scénographes…) s’appropriait le texte et l’exprimait à travers son médium, le mien étant la lumière. Les metteurs en scène rassemblaient ensuite tous ces éléments pour en faire un spectacle. Je suis arrivé avec cette culture-là en architecture et j’ai toujours cherché à avoir une complicité avec les architectes le plus en amont possible, ce qui me permet de répondre à leurs demandes de manière très intime, très proche, et de donner une expression propre à la lumière. Il n’est pas rare qu’on puisse modifier à la marge des projets architecturaux pour les adapter aux projets de lumière qui donnent une identité différente dans la vision nocturne par rapport à la vision diurne. "

« On est dans une évocation poétique d’un thème qu’on fait surgir de l’âme du bâtiment. »

Hervé Audibert, Concepteur lumière

" Par exemple, le Centre national de la danse, sur lequel j’ai travaillé avec les architectes Claire Guieysse et Antoinette Robain, a eu une équerre d’argent, entre autres grâce au travail sur la lumière. Celle-ci est venue magnifier le bâtiment et le projet à un tel point qu’elle a été remarquée. Pour ce bâtiment, je ne voulais pas utiliser une lumière extérieure pour la mise en valeur. Je voulais plutôt raconter ce qui se passait dans le bâtiment. Chacun des studios de danse dont les fenêtres donnent sur l’extérieur a une couleur différente, et quand les gens quittent un studio, en éteignant la lumière, ils allument cette couleur. Plus le bâtiment se vide à la fin de la journée, plus il se colore. Le bâtiment raconte de cette façon toutes les cultures qu’il a croisées dans la journée. On est dans une évocation poétique d’un thème qu’on fait surgir de l’âme du bâtiment.

En résumé, le concepteur lumière intervient le plus possible dans l’intimité du projet avec l’architecte. "

Justement comment travaille un concepteur lumière ? Comment approchez-vous l’éclairage, en particulier dans le cadre de l’architecture d’intérieur et de l’aménagement d’espaces de travail flexibles ?

" Tout est fonction du projet sur lequel on travaille. En tant que concepteur lumière, on travaille dans tous les domaines et à toutes les échelles, comme celle très réduite de la vitrine de musée, et on illumine aussi des villes. Quand on est sur des univers intérieurs, on travaille le plus possible avec l’architecte parce qu’il est souvent intéressant qu’une source de lumière puisse être dissimulée dans un coin, avec une gorge lumineuse, et tout ceci est mis au point avec l’architecte d’intérieur.

Récemment, on a travaillé sur un centre commercial de 250 000m2  avec le designer Patrick Jouin. C’est quelqu’un d’extrêmement exigeant dans la mise en valeur de son travail. On a travaillé en intelligence pour trouver comment mettre en valeur son travail sans mettre en valeur les sources de lumière elles-mêmes. Il y a eu tout un travail d’adaptation extrêmement précis pour, par exemple, dissimuler les sources de lumière pour que celle-ci paraisse magique et mette en valeur le travail des architectes d’intérieur. On a apporté des touches personnelles à l’intérieur de l’environnement que Patrick Jouin avait créé, comme une sculpture en anamorphose de deux cents points lumineux qui reproduisent l’enseigne Cap 3000. On a aussi beaucoup travaillé sur des mâts lumineux dessinés par Patrick Jouin. Pour ces mâts, il avait fait appel à un maître verrier de Murano pour réaliser les globes qui coiffent les luminaires. On est donc souvent allés à Murano pour travailler la qualité du verre pour que tout ça corresponde à ce qu’il attendait.

Dans ce projet, on avait en plus des contraintes qui sont celles de la quantité de lumière nécessaire dans un établissement recevant du public donc avec des normes très particulières et toujours avec la préoccupation majeure de la diminution autant que possible de la consommation d’énergie.

Dans un autre domaine, la restauration, on a travaillé avec l’architecte Lina Ghotmeh sur la lumière des espaces intérieurs du restaurant les Grands Verres au Palais de Tokyo (Paris 16e). On a imaginé une série de suspensions pour recréer de manière artificielle un plafond. Le plafond existant était en effet à 6m du sol et il nous semblait assez peu confortable quand on mange d’être comme dans un hangar. On a donc recréé de manière délicate un plafond artificiel avec les sources de lumière. On en a mis six cents qui dessinent une espèce de surface qui vient rendre l’espace plus agréable et confortable.

On intervient aussi sur des musées. Actuellement on est en train de s’occuper du Musée zoologique de Strasbourg, et on travaille avec un scénographe qui met en scène la collection à présenter, tandis que nous mettons en lumière l’ensemble de la collection. On est dans un dialogue constant pour se mettre d’accord sur l’approche qu’on va adopter pour mettre en valeur les différents objets.

Dernièrement, on a aussi beaucoup travaillé sur les cinémas Pathé, notamment celui de Dijon où on a collaboré avec l’architecte Pierre Chican. Il avait envie d’habiller le cinéma de verre. On a donc travaillé ensemble pour que ce matériau soit lumineux chaque fois qu’il apparaissait dans l’espace. L’habillage est composé de grandes lames de verre qui font entre 3 et 6m de haut. On a mis des sources de lumière sur la tranche du verre de manière à rendre la matière elle-même luminescente et vivante pour faire vivre tout l’espace. "

Travaillez-vous uniquement sur des projets tertiaires et hôteliers ?

" Non, récemment on s’est occupé d’une villa dans le nord de la France. Quand on travaille sur des intérieurs de particuliers, le process est un peu différent. On réalise de nombreuses images qu’on soumet à l’approbation de chacun, et ces images viennent modifier le projet au fur et à mesure des retours du client, sachant que là on est dans une intimité réelle très délicate à approcher puisqu’on est dans la chambre à coucher des gens, on est dans leur salle de bains. On adopte donc une façon de travailler très en retrait avec un maximum de propositions pour essayer de comprendre le désir des gens chez qui on intervient. "

La question de la performance énergétique est désormais cruciale dans tout projet architectural. Comment approchez-vous cette question ? Est-ce une contrainte supplémentaire ? Un défi ?

" Ça l’était il y a quelques années parce que le matériel ne s’y prêtait pas. Mais aujourd’hui la performance énergétique est au cœur de tous les projets. Il y a eu à un moment donné, grâce ou à cause de la miniaturisation des sources, des projets qui mettaient de la lumière partout parce que les sources étaient toutes petites et pouvaient s’intégrer dans des espaces très petits, et donc il y a eu une gabegie de quantité de lumière développée parce que techniquement on pouvait faire beaucoup plus de choses avec les LED. Aujourd’hui on est revenu à une économie normale, et on est dans la performance énergétique systématique. Par exemple, sur l’UNESCO, on est à 4watts/m2, ce qui répond aux normes actuelles et ce qui est très peu par rapport à il y a 15 ans où on était à 50 watts/m2. On a divisé par dix le ratio du watt au mètre carré.

Quel que soit le projet, on doit respecter des normes et des contraintes énergétiques. Quand on intervient sur les villes par exemple, on fait systématiquement des projets qui diminuent en intensité, on essaie de disséminer les sources, et on a des qualités de lumière qui nuisent moins aux écosystèmes. La lumière froide, par exemple, est problématique pour les insectes, les chauve-souris, etc. On privilégie donc la lumière chaude, et on est dans un usage plus mesuré de la lumière.

On a notamment travaillé sur un village nature à l’est de Paris : 250ha, 5000 hébergements. Je trouvais très important qu’on puisse se réapproprier le noir et le ciel, donc on a mis assez peu de lumière à tel point que les gens peuvent se munir d’une lanterne à l’entrée s’ils sont gênés par le peu de lumière qu’on a dessinée. Mais ça laisse la vision du ciel, des étoiles, et la faune et la flore ne s’en portent que mieux. Il s’agit d’une prise de conscience personnelle, d’évidence totale. "

Le travail de conception lumière d’Hervé Audibert sur le bâtiment V de l’UNESCO, œuvre de Bernard Zehrfuss et Jean Prouvé, s’inscrit dans la mission de réhabilitation du site par Patriarche., et sa marque d’aménagement d'intérieur Myah | Patriarche. Selon le caractère patrimonial des espaces et des ouvrages, notre intervention consiste soit à revisiter les lieux, soit à les restaurer fidèlement.

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